Article rédigé par Elektra ARGYRIS
Si la solitude ne vous est pas étrangère, Edward Hopper est votre homme. Edward Hopper, né en 1882 à New York, est un peintre américain unique en son genre qui a marqué l’art du XXème siècle.
Dans ses débuts, il peine à vendre ses toiles, il n’est pas reconnu en tant qu’artiste, ce qui le contraint à travailler en tant qu’illustrateur publicitaire pendant plusieurs années. Il n’aura qu’un réel succès à partir des années 30.
Ses œuvres ont inspiré de grands réalisateurs, comme Alfred Hitchcock dans la réalisation des films Psychose ou encore Fenêtre sur Cour. C’est un artiste visionnaire qui va profondément influencer l’art de son temps, il deviendra par la suite un des peintres américains les plus reconnus dans le monde entier.
Il y a quelque chose d’universel dans les thèmes qu’il aborde. Son art parle à tout le monde en y faisant le portrait fidèle de la solitude dans la société et le couple.
Il a produit des œuvres aussi intrigantes que troublantes, nous permettant de développer une sensibilité singulière.
Cet article n’a pas vocation à décrire chacune des œuvres d’Edward Hopper, mais de faire un simple aperçu de la philosophie de ce peintre.
Un style se démarquant de ses contemporains, qu’étaient par exemple René Magritte, Pablo Picasso ou Georgia O’Keeffe.
Une réalité qui en dissimule une autre
On pourrait croire que Hopper est un peintre réaliste, qui a pour intention de représenter des scènes du quotidien de la vie américaine de son époque. Sauf qu’en se penchant un peu sur ses œuvres, se révèle un sens beaucoup plus profond que la simple mise en scène du quotidien.
La peinture de Hopper est un style unique, elle ne peut être classée dans aucun courant artistique et cela était précisément la volonté du peintre. Ainsi, cette singularité nous permet d’une certaine manière de pénétrer une intimité, celle du peintre.

Nighthawks, 1942, Edward Hopper

Gas, 1940, Edward Hopper
Dans les scènes ci-dessus, vous pouvez apercevoir le calme du paysage dans lequel sont représentés les personnages. Les œuvres mettent en lumière le banal de la vie, une sérénité ennuyante, c’est un silence sans nom. Il y a là une impression de vide, qui veut nous dire autre chose. Dans ce calme, elle crie la solitude.
Le peintre dépeint dans ces représentations la solitude des personnages. Ainsi, il ne peint pas la réalité, il peint la solitude.
Hopper était un homme solitaire, ce trait est apparu très tôt chez lui. Il mesurait 1,98 m, une taille hors de l’ordinaire à cette époque. Cette différence l’a mis à l’écart des autres, préférant alors l’isolement au reste du monde.
Il était de caractère introverti, il ne parlait qu’à travers ses œuvres. Au moment où il devient célèbre, il va d’ailleurs refuser beaucoup d’interview et va demander à sa mère et sœur de ne rien dire à propos de lui aux journalistes.

New York Movie, 1939, Edward Hopper
La peinture de Hopper enveloppe la solitude du peintre, ses personnages nous la décrivent. La réalité illustrée est en fait sa réalité, en regardant ces œuvres, une porte s’ouvre, celle menant à l’intimité du peintre.
Le voyeurisme du spectateur
En observant des scènes de solitude, le spectateur entre dans l’intimité des personnages. Ce sont des scènes de vulnérabilité, un œil externe s’appose sur eux dans un moment qui devrait rester privé. Ils sont mis à nu, on les regarde, on se demande ce qu’ils pensent, la raison de leur solitude, on se pose plein de questions qui ne nous regardent pas.
Que s’est-il passé avant pour que les personnages soient si pensifs ? Que va-t-il arriver ensuite ? Cette conversation entre le spectateur et la toile trouve tout son sens dans l’introspection du spectateur.

Hôtel Room, 1931, Edward Hopper
En observant des scènes de solitude, le spectateur entre dans l’intimité des personnages. On y trouve un vide mélancolique très touchant. Le silence de cette solitude nous parle sans dire, il nous rappelle notre propre solitude.
Rien ne se passe et pourtant, l’atmosphère des pièces semble très lourde. Les couleurs des tableaux sont vives, prononcées et pourtant rien de joyeux ne peut être perçu. Un contraste est opéré entre la tristesse des scènes et le choix des couleurs. Un contraste prononcé par le jeu de lumière que le peintre met en œuvre, créant alors cette atmosphère oppressante.
Il y a tout de même un paradoxe habitant les œuvres d’Edward Hopper. Elles portent des sujets tristes, mais ne nous rendent pas triste en les regardant. Peut-être est-ce réconfortant de regarder les personnages dans cet état ? Peut-être que ces scènes angoissantes font écho à nos propres angoisses, permettant alors une catharsis ?
La solitude menant à l’aliénation
Hopper avait le talent de pouvoir montrer le décalage entre l’homme et le moment présent. Tous ses personnages sont physiquement présents sur ses œuvres, mais tous semblent distraits, perdus, ailleurs que dans la pièce.
Dans l’œuvre “Soir bleu” la scène est triste alors même qu’elle représente une soirée festive. Aucun des personnages n’a d’interaction avec les autres, ils sont là et subissent leur soirée au lieu de la vivre. Les personnages sont lugubres, un clown qui fume, une femme très maquillée que l’on suppose être une prostituée, un homme à chapeau
souriant qui serait son maquereau, et d’autres dont on ne voit pas clairement les visages.
Ils sont tous proches mais si éloignés sur le moment. Déconnectés les uns des autres, cette scène met en avant l’aliénation des personnages. Chacun, en chérissant sa solitude, est perdu dans le moment présent, vit une autre réalité, une souhaitée ou une perdue.

Soir bleu, 1914, Edward Hopper
Cette aliénation du personnage se fait au niveau du cercle social, mais également au niveau du couple. Hopper explore beaucoup dans ses œuvres le thème du couple. Deux personnes partageant le même quotidien, étant si proches physiquement, peuvent se retrouver dans un état d’isolement le plus total.
Une des clés de lecture est l’absence de communication dans le couple. Dans les tableaux ci-dessous, vous pouvez observer que les deux personnages sont dans la même pièce, ou très rapprochés, mais rien ne se passe entre eux. Ils se contentent de leurs pensées, n’éprouvant pas forcément d’intérêt l’un pour l’autre.

Summer Evening, 1947, Edward Hopper

Office at Night, 1940, Edward Hopper
Dans ce monde de l’extraordinaire ordinaire, l’histoire vous appartient. À vous de deviner, votre solitude parlera.
Sources :
Beaux Arts Magazine, Pourquoi la peinture d’Edward Hopper nous touche-t-elle tant ?, par Daphné Bétard.
Beaux Arts Magazine, Travelling sur les paysages mythiques d’Edward Hopper, par Joséphine Bindé.
Série de podcasts, Radio France, L’Amérique d’Edward Hopper en cinq tableaux. Tate Modern Exhibition, Edward Hopper.



